La légende

Enquête photographique valaisanne 


1/ L'écrivaine Céline Zufferey, auteure de Sauvez les meubles chez ses parents à Granges (VS).
2/ L'image article 358 de Guillaume Collignon, lors de l'exposition Cold war studies à la galerie contre contre (St-Maurice).
3/ Le grand cheval entre Dorénéaz et Martigny.
4/ La falaise de Gondo (46.197435,8.135401), mai 2018.
5/ André Tschérig, appuyé contre le mur de Gondo.
6/ Arbre dans le vent, Dorénaz, mai 2018.
7/ Le photographe Olivier Lovey, originaire d'Orsières, lors d'une tempête.
8/ La chouette effraie, fauconnerie de Saillon.
9/ La Mercedes en panne, entre Sion et Sierre.
10/ Rosier contre un mur, Martigny, mai 2018.
11/ Le hibou grand-duc de la famille Roduit, fauconnier de père en fils, Saillon.
12/ Les arbres penchés de Martigny, février 2018.
13/ Voiture ensevelie près de Le Châble, (46.08562,7.195830), mai 2018.
14/ Marie Ingignoli photographiée dans un jardin.
15/ Départ de feu le long du Rhône, Martigny, mercredi 21 février 2018.
16/ Le photographe Sébastien Agnetti, d'origine valaisanne, dans la cour de l'école Montessori à Vevey.



Les 16 images de La légende agissent sur nous comme le récit d’un songe, voyage incertain où nous guident tour à tour des animaux bienveillants ou hostiles, des hommes, des femmes. Autour de nous, des paysages: une falaise de pierraille, un feu si près de l’eau, le vent dans les arbres… personne n’est pressé. Nos pas scandent un temps ouvert, car c’est ainsi que se forment les images: au rythme de notre marche.

Le décor de cette randonnée onirique est un Valais réinventé par la photographe Eva Lauterlein. L’ombre de la catastrophe y plane, celle de Gondo en octobre 2000, mais il s’y trouve aussi le merveilleux, celui des arbres penchés de Martigny ou des apparitions tutélaires –les rapaces nocturnes et le cheval tranquille. Plus loin sur notre parcours, ce sont des autochtones, parce qu’il n’est de lieu, ici comme ailleurs, qui ne soit habité: par celui qui a vu sa maison emportée par la boue, par celle qui y commence sa vie adulte. Tout cela –les hommes, les bêtes et les choses– une fois photographié, semble appartenir à un autre côté du monde. Et c’est dans cet envers des clichés, envers d’un Valais enfermé dans ses vallées et démesurément exotique, que se dépose la banalité enchantée qui accueille La légende.

Au commencement, au centre et à la fin de la série, il y a des dormeurs. L’une raconte des histoires (Céline Zufferey) et les autres créent des images (Olivier Lovey et Sébastien Agnetti). Et parce qu’ils dorment, nous sommes aussi à l’intérieur de leur sommeil,  portés plus librement que nous ne l’attendions dans la richesse d’un canton. Paysage, faune, géologie: tout y est du reste décrit par des légendes précises qui accompagnent les images. Mais là où l’on voulait en savoir plus, ces descriptions se jouent de nous et nous piègent dans une géographie et un temps incernables. Loin d’asseoir des faits, elles ouvrent plus qu’elles ne ferment les possibilités et les combinatoires du récit dont notre regard, avec la photographe, et pourquoi pas avec les sujets des images, devient le coauteur.

Des dormeurs, des guides, des totems, des choses que l’on nomme, une marche dans le vent, au bord du fleuve. Quelques fleurs… c’est par l’ensemble de ses éléments constitutifs que La légende nous imprègnent à notre insu d’un Valais à la fois attendu et mystérieux. Ce Valais familier, parce qu’il est comme tant de lieux, un territoire pluriel que traversent des histoires heureuses et tragiques, peuplé par des êtres aussi divers et intéressants que nous-même qui les regardons. Et ce même Valais pourtant, que nous ne reconnaissons pas, qui nous est étranger, parce que tout autre lieu que soi, tout autre personne qu’ici, est toujours et encore à découvrir, à raconter et à inventer.

David Gagnebin-de Bons

︎︎︎